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Mag #1
1 – Premier numéro
Enraciner

Une amitié d’hier pour aujourd’hui : « Le Christ et son ami »

Publié le 19 mai 2020
Icone Menas

Ghirlandajo

Le temps insolite de la crise sanitaire, dans lequel nous sommes tous plongés, est pour beaucoup l’opportunité d’une redécouverte d’un certain esprit de fraternité. Un compagnonnage inscrit dans le bois d’une icône copte qui nous enseigne par-delà les siècles et les crises. 

Considérée comme la plus ancienne icône copte parvenue jusqu’à nous, « Le Christ et l’abbé Ména » ou « Le Christ et son ami », œuvre peinte – ou « écrite » pour reprendre le vocabulaire de l’art de l’icône – sur bois, remonterait au VIe ou VIIe siècles. Conservée au Musée du Louvre, elle peut être une fort belle illustration de ce verset connu de l’Évangile selon Jean : « Je ne vous appelle plus ‘serviteurs’ car le serviteur ignore ce que fait son maître ; mais je vous appelle ‘amis’ car tout ce que j’ai entendu de mon Père, je vous l’ai fait connaître. » (Jn 15,15) 

A la droite de l’œuvre, le Christ barbu est reconnaissable à son auréole frappée de la croix et par son nom inscrit en copte dans le cartouche : « le Sauveur ». Il tient de sa main gauche – la main du cœur – le livre des Évangiles richement décoré et passe son bras droit sur l’épaule droite de Ména, l’abbé du monastère de Baouit, fondé à la fin du IVe siècle. Le nom de cet « ami » est indiqué dans son propre cartouche. Il fait figure de saint puisqu’il est lui-même auréolé. 

Les deux personnages sont presque similaires. Abba Ména est légèrement plus petit que le Christ mais il partage avec son Maître le même air grave, le même visage émacié aux grands yeux ouverts et cernés, typique des portraits du Fayoum. 

La noble simplicité qui émane de cette icône nous dit quelque chose de juste sur la fraternité chrétienne, comprise dans sa double acception : fraternité avec le Christ qui s’est fait l’un de nous, fraternité les uns envers les autres qui sommes des semblables dans le dessein d’Amour du Créateur. 

Le bras du Christ enveloppe tout entier Ména. Le Sauveur ne s’est pas contenté de poser sa main sur l’épaule gauche de son ami mais la posant sur l’autre, il embrasse tout son être d’un geste ample. Ainsi donc en cette œuvre, l’on peut reconnaître un geste qui, loin de retenir ou de capter, manifeste le lien qui les unit et aussi la responsabilité que Jésus lui confie : il s’appuie sur son ami et l’envoie au-devant de lui. 

Le fr. Aloïs, prieur de la communauté de Taizé, souligne en 2017 : « Tous, nous pouvons nous reconnaître dans cet ami du Christ. Si, ressuscité, le Christ est invisible à nos yeux, nous pouvons pourtant nous confier à sa présence. Il accompagne chaque être humain sans exception. Regarder cette icône, c’est déjà une prière qui nous unit à Dieu. » 

Père Gautier Mornas, responsable du département Art Sacré
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