Dans la famille des recycleries, je voudrais celle des jouets ! Et si au pied du sapin ou devant la crèche, on déposait des cadeaux résolument engagés ? Collecter, revaloriser, revendre, mais aussi sensibiliser aux gestes éco-responsables tout en créant des emplois, avec Ti Jouets, rejouons solidaire ! Par Florence de Maistre.
“La démarche de Ti Jouets repose sur trois piliers : la question des droits humains, le respect de la planète, l’accessibilité économique pour tous”, indique Marjorie Grégoire, cofondatrice et coordinatrice de la recyclerie Ti jouets. Huit tonnes de jouets sont récupérées chaque année par la structure installée en Bretagne et ouverte depuis l’an dernier. 80 % de cette collecte est remise en circuit par l’équipe de Ti jouets, qui compte douze salariés en contrat d’insertion. Les 20 % restants sont recyclés et transformés selon les matériaux. En septembre dernier, Ti Jouets a remporté les Trophées bretons du développement durable, dans la catégorie association. “Notre contribution aux objectifs de développement durable de l’ONU et notre action sont reconnues. Nous en sommes très fiers”, souligne Marjorie Grégoire.
L’initiative revient à Martin Pensard et Marjorie Grégoire. En 2017, bénévoles au sein d’associations caritatives, ils voient arriver nombre de jouets sans pouvoir les traiter de façon satisfaisante. Déjà sensibles à l’économie sociale et solidaire, ils rédigent quelques intentions, s’inspirent des modèles de recycleries de jouets déjà développées en France, rencontrent les acteurs du territoire et du monde de l’enfance. Leur intuition est confirmée : le besoin de valorisation de cette masse de jouets est bien réel. En 2018, l’association d’action sociale et médico-sociale Don Bosco, basée dans le Finistère, accepte de porter le projet. Les collectes de jouets sont rapidement mises en place. En 2019, Ti Jouets obtient la convention chantier d’insertion et ouvre sa boutique juste avant Noël. Aujourd’hui soixante-dix acteurs locaux soutiennent la démarche et sont autant de points de collecte : entreprises, établissements scolaires, crèches, collectivités, etc.
“C’est important de proposer une économie alternative, au service des personnes et de la société. Ti Jouets est une expérience passionnante en tant que lieu d’émancipation personnelle, collective et d’engagement citoyen. C’est tout l’enseignement dispensé par Elena Lasida qui a impulsé la naissance de cette structure”, poursuit Marjorie Grégoire, ancienne étudiante de la chargée de mission Écologie et société pour la Conférence des évêques de France et directrice du Master « Économie solidaire et logiques de marché » à l’Institut catholique de Paris. Forte d’une grande capacité de réinvention de ses pratiques et face aux contraintes du confinement, Ti Jouets vient de lancer sa boutique en ligne.
Plaisir d’offrir, même une seconde main
“Ce qui me plaît ici, c’est de revaloriser les jouets. La quantité récupérée et revendue, qui finalement ne part pas à la poubelle est phénoménale ! Et puis, ça fait des enfants heureux”, témoigne Claudia, salariée chez Ti Jouets. La structure offre à ses douze salariés en contrat d’insertion un accompagnement privilégié pour construire leur projet professionnel. Sur la chaîne de revalorisation des jouets, ils acquièrent différentes compétences transversales et transposables. “Chaque salarié en insertion porte le chantier dans son ensemble, de la collecte à la vente”, explique la coordinatrice de Ti Jouets. Après la collecte, il s’agit de trier, catégoriser les jouets, vérifier leur fonctionnement, les compléter le cas échéant, s’assurer qu’ils ne présentent aucun danger pour les enfants. Si une réparation est possible, elle est effectuée. Sinon le jouet est démantelé en attendant d’en compléter un autre. Tous sont nettoyés avec des produits écologiques confectionnés sur place. “Ils ne polluent pas, sont sans danger pour les salariés qui les utilisent au quotidien et ne sont pas nocifs pour les enfants. Les salariés en connaissent la recette pour la reproduire chez eux”, souligne Marjorie Grégoire.
Après différentes phases de contrôle, le prix est fixé en fonction du marché classique et de celui de l’occasion. Il est réduit de 50 à 70 % de sa valeur neuve : c’est un prix solidaire ! Enfin, une grande importance est accordée à l’étiquetage du jeu, du livre, ou du doudou, de façon à le proposer sous ses plus beaux atours comme dans n’importe quelle autre boutique. “Du côté des enfants, la seconde main ne pose aucun problème ! Du côté des parents, il peut y avoir plus de réticences. Étiqueter le jouet et le présenter comme un neuf, en revalorise l’image. Nous encourageons les changements de comportement. De plus en plus de personnes osent offrir un jouet d’occasion !” se réjouit Marjorie Grégoire. À noter : Ti Jouets accompagne de nombreux professionnels de l’enfance et répond à leurs critères d’exigence.
Travailler main dans la main
Entre les différents points de collecte et l’organisation de ventes éphémères, Ti Jouets développe tout un maillage de partenaires. Seule recyclerie de jouets en Bretagne, il arrive qu’elle récupère de la matière chez d’autres recycleries. “Il s’agit de ne pas nous mettre en concurrence mais de travailler en collaboration. Voilà encore un enseignement d’Elena Lasida ! Nous montons également des projets de sensibilisation”, précise la coordinatrice de Ti Jouets. Des manifestations sont menées avec les médiathèques, les communautés de communes et d’autres associations pour partager les messages citoyens, écologiques et faire découvrir les alternatives à la surproduction de jouets.
Avec les huit autres recycleries de jouets en France, dont Rejoué à Vitry-sur-Seine, Ti Jouets souhaite participer à la création d’un collectif pour faire reconnaître l’action de revalorisation des jouets par l’insertion sociale. Les recycleries mutualisent d’ores et déjà expériences et savoirs-faire. Pour l’heure dans l’atelier du Père Noël, les lutins s’affairent et préparent des jouets de qualité. Marjorie Grégoire de ponctuer : “L’ouverture de la boutique en ligne a remis les salariés dans une dynamique très positive. Nous recevons beaucoup de sollicitations et de commandes. Au regard du travail accompli, c’est gratifiant pour toute l’équipe !”