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Mag #10
10 – Dixième numéro
Comprendre

« Il y a une place pour moi, tout simplement»

Publié le 5 novembre 2021

Honoré, Pierre et Miki affichent une certaine émotion à poser aux côtés de Mgr Éric de Moulins-Beaufort, archevêque de Reims et président de la Conférence des évêques de France qui a partagé avec eux et d’autres toute une demi-journée de rencontre et d’échanges.

Avec Pierre et Honoré, Miki a été invitée à participer à la séquence écologie intégrale de cette assemblée plénière des évêques d’automne pour représenter leur groupe « Place et parole des Pauvres 38 ».

« La charité appartient à la nature de l’Église, elle est une expression de son essence elle-même, à laquelle elle ne peut renoncer » Benoît XVI. Miki, responsable du service diocésain « Diaconie et soin » pour Grenoble-Vienne aime à le rappeler. « Notre service s’appuie aussi sur cette phrase d’Evangelii gaudium (n°198) : « Nous sommes appelés à découvrir le Christ en eux (les pauvres), à prêter notre voix à leurs causes, mais aussi à être leurs amis, à les écouter, à les comprendre et à accueillir la mystérieuse sagesse que Dieu veut nous communiquer à travers eux. »

Pierre, Honoré et elle ne sont pas venus de l’Isère jusqu’à Lourdes les mains vides. Ils ont apporté dans leur besace, pour le mettre en commun, le fruit de leurs trois rencontres préparatoires qu’ils ont vécues en septembre et octobre derniers. « Les évêques nous ont fait une demande, expose Pierre. Nous interroger sur ce qui rend la vie difficile, ce qui donne de la joie, les moments de solidarité et e fraternité qui rendent heureux et ce qu’on peut faire pour un monde plus fraternel et plus juste. » Les cheveux en bataille, quelque peu artiste, Pierre s’est mis sur son 31 : « Enfin, on a une place ! » Dès 2013, dans le sillage de Diaconia, le diocèse de isérois a créé le groupe Place et parole des Pauvres 38. « Tu vois, dans notre groupe, on est une vingtaine. Ce qui compte, c’est le dialogue » insiste Pierre. « Et le soutien, nous soutenir l’un l’autre dans nos difficultés. Notre monde aujourd’hui manque beaucoup de ça » renchérit Honoré. Lui est arrivé en France juste avant les attentats de Paris de novembre 2015. « C’était difficile pour nous. Moi, j’arrive du Congo. Il y avait aussi beaucoup de gens qui arrivaient d’Europe de l’Est. Pour nous, les africains, la France était encore plus dure, exigeante. J’ai laissé là-bas ma femme et les quatre enfants. Elle a pu me rejoindre mais eux sont restés au pays. »

La liste des difficultés et de ce qui divise est longue pour ces deux hommes en recherche d’une place dans la société, dans l’Église aussi.

La liste de ce qui leur apporte de la joie s’allonge pourtant, au fil de la discussion. « Quand je chante, je prie deux fois, ça me donne de la joie » sourit Pierre qui a apporté sa guitare pour entonner un chant à la Vierge à la fin de l’atelier. « La fraternité, c’est ce qui se passe là [dans notre groupe, NDLR], toutes ces bêtises qu’on dit. C’est ce qu’on vit, la fraternité ! » Pour Pierre comme pour Honoré, le cœur de la joie semble se trouver dans la relation, dans la connaissance de l’autre, dans l’amour donné et échangé – Pour bien vivre, je dois te connaître, si non, il y a des incompréhensions. Ce que le père Emmanuel Dussart, administrateur du diocèse du Puy-en-Velay, reprendra en disant que « les personnes en situation de précarité ne demandent pas d’abord de l’argent, ne nous disent pas ‘On a besoin de vous !’ mais ils nous lancent ‘On a besoin d’attention. Vous savez, il ne faut pas grand-chose pour allumer la joie. Il ne faut grand chose non plus pour l’éteindre.’ » Une manière d’exprimer aussi que chacun a droit à sa place naturelle dans la société et dans l’Église. Une place physique, certes – ne pas toujours s’asseoir au dernier rang – mais une place tout simplement.

Propos recueillis par Pascal Fournier, Responsable de la communication du diocèse de Rodez, pour le webzine Tout est lié.

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