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Mag #5
5 – Cinquième numéro
Comprendre

L’Ami, François d’Assise et ses frères

Publié le 20 janvier 2021

Fascinés par le message de partage et de fraternité du Poverello et convaincus de sa pertinence pour le monde d’aujourd’hui, les réalisateurs brossent le tableau de l’ordre franciscain à ses débuts, de l’intuition prophétique du fondateur à la nécessaire inscription dans un cadre institutionnel. Un film aussi humble que profond.

Dans une belle nature sauvage, nous suivons une joyeuse bande d’hommes en bure qui partagent leur repas avec les pauvres, recueillent un bébé abandonné, et suscitent la méfiance des puissants. François, rayonnant de joie quand il parle aux oiseaux, se sent incompris des chefs de l’Eglise qui exigent qu’il retravaille sa Règle. Elie de Cortone, son frère le plus proche (c’est lui L’Ami), convaincu de la nécessaire protection de l’Eglise institutionnelle pour l’ordre franciscain naissant, va négocier un compromis. De retour à Assise, il trouve François mourant, marqué par les stigmates.

Fascinés par le message de partage et de fraternité du Poverello et convaincus de sa pertinence pour le monde d’aujourd’hui, les réalisateurs brossent le tableau de l’ordre franciscain à ses débuts. Laissant de côté les épisodes célèbres de la légende dorée, le film s’intéresse à la naissance d’un ordre religieux, de l’intuition prophétique du fondateur à la nécessaire inscription dans un cadre institutionnel. L’élaboration de la Règle, au centre du dialogue avec Rome, cristallise les tensions au sein de la fraternité et oppose François à son ami Elie.

La nature est filmée avec empathie. Le cadre architectural (chapelles romanes et abbaye de Fontfroide) et la musique (chants grégoriens en latin) constituent un cadre fidèle à la réalité historique. La vie de prière des frères s’intègre naturellement à leur quotidien : Ave Maria, Magnificat, Cantique des créatures… et le fameux  »Seigneur, fais de nous un artisan de Ta paix… » superbement mis en situation. Comment incarner l’idéal évangélique de liberté, pauvreté, charité et joie dans un monde où le pouvoir, la violence et l’argent dominent ? La pauvreté, faut-il l’aimer ou la combattre ? Ces questionnements traversent tout le film et résonnent familièrement à nos oreilles chrétiennes du XXIème siècle. La mise en scène sobre, pour ainsi dire humble, s’accorde bien à la profondeur spirituelle.

Elio Germano, acteur italien, campe un François d’Assise attachant par sa posture d’humilité et son assurance tranquille d’homme de foi. Jérémie Rénier, assez ressemblant aux portraits d’Elie de Cortone avec sa barbe blonde, donne une interprétation très personnelle de ce personnage controversé : tempérament de feu, il s’implique dans les négociations avec le cardinal (Olivier Gourmet, tout à fait crédible) et réagit violemment à la contradiction. Nous retrouvons aussi Claire (Alba Rohrwacher, italienne elle aussi !) et ses sœurs qui participent à l’aventure franciscaine dès ses débuts.

 

L’Ami, un film de Renaud Fély et Arnaud Louvet. France, 2016  (1h27)

Michèle Debidour
Article à retrouver sur le site Signis