Retour
Mag #3
3 – Troisième numéro
Comprendre

« Petit paysan » une chronique rurale au cœur d’une exploitation familiale

Publié le 21 octobre 2020

Ce film de Hubert Charuel sorti en salle en 2017 nous offre une chronique rurale documentée, au cœur d’une exploitation familiale d’élevage laitier où l’angoisse d’une crise sanitaire pèse durant tout le film.

Plusieurs fois primé, le film est le travail d’un réalisateur lui-même fils d’éleveurs qui n’a pas repris la ferme familiale préférant les études cinématographiques. Il a été marqué par l’angoisse de ses parents lors de l’épidémie de la vache folle.

Pierre, 35 ans, a repris la petite exploitation familiale d’élevage de vaches laitières. Levé sept jours sur sept dès potron-minet, sa vie s’organise autour de sa ferme, sa sœur vétérinaire et ses parents. Alors que les premiers cas d’une épizootie se déclarent en France, Pierre découvre que l’une de ses bêtes est infectée, ce qui devrait conduire à l’abattage du troupeau. Il ne peut se résoudre à perdre ses vaches. Il n’a rien d’autre et ira jusqu’au bout pour les sauver.

Le film se déroule comme un thriller mental. L’omniprésence des vaches est marquée dès le début par le cauchemar de Pierre où elles envahissent la cuisine et l’écran.

La pression ne cesse de monter de la crainte de l’épidémie à la découverte de la première vache malade. Pierre entre dans le cercle infernal du mensonge et se coupe petit à petit de son entourage, de son humanité. Les gestes répétés du métier, l’exigence des contrôles sanitaires, le vocabulaire professionnel contribuent au réalisme du contexte où les personnages n’ont rien de héros.

Ce qui frappe avant tout est la solitude de cet éleveur. Il est seul avec ses bêtes qu’il aime véritablement. Les éléments sensoriels sont nombreux. De nombreux gestes doux et délicats viennent ponctuer le récit. La caméra insiste régulièrement sur les regards échangés avec les bêtes qui portent toutes un nom. Le cadrage et la lumière permettent au réalisateur de créer une ambiance tout à fait réaliste. De nuit comme de jour, les bêtes ont besoin de l’attention de l’éleveur.

Les scènes de nuit donnent de l’intensité au drame qui se noue. Jusqu’où Pierre peut-il aller ? Ne devient-il pas fou par amour pour ses bêtes ?

Notre héros ordinaire n’a pas le temps de se divertir, de profiter de ses quelques amis. Maintenir la ferme héritée des parents est l’enjeu. Les parents restent présents pas loin, ne lâchant peut-être pas complètement les rênes…voulant aussi marier leur fils. Et l’on peut percevoir la fragilité d’un mode de vie traditionnel où la dimension humaine est mise en valeur à l’opposé des fermes industrielles. Mais le propos n’est pas de comparer ou critiquer les différentes exploitations et l’on découvre un monde qui a ses règles. Chaque éleveur, tout isolé qu’il soit ne fait pas n’importe quoi et doit respecter une législation rigoureuse.

En même temps Pierre profite des moyens de communications modernes pour se mettre en relation avec d’autres éleveurs…mais YouTube et les sites complotistes sont-ils le meilleur moyen pour cela ? Pierre cherche-t-il à sauver son troupeau ou sa vie ?

La lumière va revenir petit à petit après l’aller-retour improbable avec son cheptel en Belgique qui permet à Pierre de reprendre pied vers une certaine réalité, regarder en face la mort de son troupeau et avancer sur un nouveau chemin…

Une proposition d’animation de soirée-débat autour de ce film est proposée par l’association « Image & pastorale ».

Anne Dagallier
Chargée de mission de cinéma au sein de la Conférence des évêques de France

Partager
l'article