Retour
Mag #4
4 – Quatrième numéro
Comprendre

Un Noël fragile et dépouillé comme l’est Celui qui vient de naître

Publié le 3 décembre 2020

La crise dans laquelle nous sommes tous plongés nous amène à nous questionner sur nos habitudes et nos traditions. Ainsi de la fête de Noël qui approche. « Comment sera-t-elle ? » peut-on entendre. Dépouillée, nécessairement. A l’instar du premier Noël…

Samuel Yal

Avènement

Cire, papier et diodes 2016

© Web Style Story, Galerie Ariane C-Y

Chaque année pour Noël, l’église parisienne de la Madeleine invite un artiste contemporain à signer « sa » crèche, enrichissant ainsi la tradition de l’Eglise qui, depuis des siècles, offre la possibilité à des artistes de témoigner des mystères de la Nativité. En 2016, Samuel Yal, sculpteur mais aussi réalisateur de court-métrages, a étonné son monde avec « Avènement », la 7e crèche conçue pour l’église du 8e arrondissement.

En plein centre d’un des quartiers les plus huppés de la capitale, au bout de la très chic rue Royale et à deux pas de la place Vendôme, dans une des églises les plus imposantes de Paris, le jeune artiste a proposé comme en contraste une crèche éphémère et fragile. Nécessairement éphémère puisqu’elle était liée au calendrier liturgique du temps de Noël, mais également fragile par le matériau utilisé : une crèche de cire, celle des bougies qui poursuivent la prière de ceux qui les ont allumées avant de quitter l’église.

L’Enfant-Jésus, de cire donc, dépouillé et nu comme seul l’est celui qui vient de naître, est placé naturellement au centre de la composition, sur un amas de paille noire et blanche, dont on découvre bien vite qu’il est constitué de portraits photographiques passés au destructeur de documents, et qui représente un « humus d’humanité » selon l’expression de Samuel Yal. L’artiste, qui travaille ordinairement la porcelaine, et qui explore incessamment le corps humain et le visage, poursuit : « Tous y sont : saints, criminels, martyrs, bourreaux… tous enchevêtrés les uns aux autres, solidaires de ce qui nous traverse. Clichés de tous les visages que peut prendre l’Humanité ». Voilà donc le terreau de l’Incarnation. C’est au cœur de cette humanité diverse et complexe, dont nous sommes, que le Sauveur voit le jour. Autour de lui, pas de privilégiés représentés. Pas même Marie, sa mère. Des attitudes seulement l’accueillent, celles qui sont suggérées par des paires de mains suspendues, elles aussi de cire : les mains ouvertes, les mains timides, les mains priantes… Bref, nos mains.

En un temps où nombreux sont ceux qui se questionnent sur la « qualité de l’édition 2020 de la fête de Noël », entendant crier de toute part qu’il faut à tout prix « sauver Noël », cette crèche toute en subtile fragilité de cire, agit comme en écho au texte du P. Javier Leoz, curé de Pampelune (Espagne), un texte rendu public par un appel du Pape François à ce prêtre : « Il n’y aura pas de Noël ? Bien sûr qu’il y en aura un ! Plus silencieux et plus profond. Plus semblable au premier Noël, quand Jésus est né, sans beaucoup de lumières sur la terre, mais avec l’étoile de Bethléem, les routes clignotantes de la vie dans son immensité. Pas d’impressionnantes parades royales, mais avec l’humilité des bergers à la recherche de la Vérité. Sans grands banquets, mais avec la présence d’un Dieu tout puissant. Il n’y aura pas de Noël ? Bien sûr qu’il y en aura un ! Sans que les rues ne débordent, mais avec un cœur ardent pour Celui qui est sur le point d’arriver. Pas de bruit ni de tintamarres, réclamations ou bousculades… mais en vivant le Mystère, sans peur du “Covid-Hérode”, lui qui prétend nous enlever le rêve de l’attente. Il y aura Noël parce que DIEU est de notre côté. Et nous partagerons, comme le Christ l’a fait dans une crèche, notre pauvreté, notre épreuve, nos pleurs, notre angoisse et notre condition d’orphelin. Il y aura Noël parce que nous avons besoin de cette lumière divine au milieu de tant de ténèbres. »

Gautier Mornas, responsable du département Art sacré de la Conférence des évêques de France

Partager
l'article