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Mag #8
8 – Huitième numéro
Constater

« Nous nous mobilisons pour l’éducation intégrale »

Publié le 7 juillet 2021

En choisissant “Ma maison, la tienne aussi” comme thème d’année 2020-2021 et pour les trois ans à venir, cycle olympique oblige, l’Ugsel – fédération sportive éducative de l’enseignement catholique – valorise ses démarches déjà initiées à la lumière de l’encyclique Laudato Si’ et place l’ensemble de ses propositions dans cet élan : créer du lien, donner du sens. Rencontre avec Cédric Guilleman, secrétaire général de l’Ugsel. Par Florence de Maistre

Qu’est-ce qui caractérise votre fédération ?

L’Ugsel (Union gymnique et sportive de l’enseignement libre) est riche d’une histoire débutée en 1910. En 2013, nous sommes devenus la Fédération sportive éducative de l’enseignement catholique, tout en conservant le logo de l’Ugsel au regard de notre héritage. Nous nous situons à la croisée des mondes. Nous faisons partie du Comité national olympique et sportif français (CNOSF), mais nous sommes aussi une fédération scolaire en lien avec l’Éducation nationale, le Ministère des Sports et celui de l’Intérieur, tout en étant également et à part entière organe national de l’enseignement catholique. Ces structures n’ont pas l’habitude de se côtoyer : c’est notre spécificité. Nous comptons environ un million trois cent mille adhérents du 1er et du 2d degré et environ 260 000 licenciés. Ces élèves-là s’engagent dans les compétitions sportives. Nos projets se développent autour de trois piliers. L’animation sportive pour les licenciés : nous déployons une bonne cinquantaine de championnats nationaux dans vingt-cinq disciplines. L’animation éducative pour les établissements scolaires : chaque structure est libre de s’approprier les thèmes d’année que nous portons. La formation pour les enseignants : elle comprend l’EPS pour les 1er et 2d degrés, le champ du porter secours qui va au-delà des gestes techniques du secourisme, et la question de la prévention des violences, du harcèlement. Un cinquième axe de formation est en cours de développement autour du bien-être et de la bientraitance.

Comment l’écologie intégrale s’inscrit-elle dans vos démarches ?

Certains de nos piliers intègrent cette dimension de façon plus explicite que d’autres. Je voudrais revenir sur le premier : le champ sportif. Même s’il s’agit essentiellement de compétitions, il permet d’aborder le vivre ensemble. Chaque rencontre sportive débute par un temps pastoral, un temps d’intériorisation avec les jeunes. C’est important, pour nous, de manifester notre attachement à l’Église. Depuis trois ans, afin que chacun puisse participer aux animations sportives, nous avons commencé à mettre en place des challenges inclusifs, au sens de la loi de 2004, avec des équipes qui comprennent des élèves de parcours ordinaires, des élèves de SEGPA [collégiens présentant des difficultés scolaires importantes] et de classes Ulis [élève en situation de handicap]. L’idée n’est pas de mettre le meilleur joueur dans les buts ou de choisir le meilleur attaquant, mais de vivre un temps sportif et sympathique ensemble. Nous souhaitons développer cette démarche dans chaque région d’ici les Jeux Olympiques (JO) de 2024.

Que retenez-vous de ces premières expériences ?

Il y a eu du foot en salle et du basket du côté de Nantes. Également de l’escalade à Rennes avec des binômes inclusifs : il faut de la confiance pour se faire assurer par ces jeunes, du lâcher prise, aussi ! Nous nous situons sur un format d’une simplicité à toute épreuve, où l’idée de compétition et de performance est balayée. C’est très beau. J’ai été touché par ce jeune placé aux buts, avant de s’apercevoir qu’il avait un problème de motricité. Il a joué le goal quand même, a pris un but et puis, tant pis, ce n’était pas grave ! Ces expériences se vivent dans la joie et la fraternité. Au sein des réunions Église et sport, la question du dépassement de soi est souvent évoquée. Celle de la fragilité est aussi importante à toucher du doigt. Ce n’est pas, certes, la culture dominante, mais elle peut être positive et constructive. Éprouver la défaite ou la victoire fait partie du jeu et de la vie, on le rappelle au cours des temps pastoraux avec les jeunes.

Qu’en est-il de l’animation éducative auprès des établissements scolaires ?

Nous proposons un projet d’année, répété sur quatre ans, en nous inscrivant dans le temps olympique. Depuis 2020-2021, il s’intitule “Ma maison, la tienne aussi”, évidemment en lien avec Laudato Si’. Il met en avant l’importance de prendre soin de la planète. Avec les “Éco challenge sport santé », l’établissement scolaire qui s’empare du thème peut valoriser à la fois l’engagement sportif et l’engagement éco-citoyen avec des opérations de nettoyage, une charte écologique, un potager en permaculture, etc. Nous souhaitons éveiller les consciences, toucher aussi, à travers les enfants, les familles qui accompagnent souvent les challenges. Avec ce projet nous rejoignons aussi un autre axe spécifique de la fédération qui touche à la formation : la lutte contre la sédentarité et le soin de son corps. Nous nous mobilisons pour l’éducation intégrale de la personne, car tout est lié ! Et parce que l’on ne peut pas se déployer en tant qu’être humain si l’on ne considère pas l’aspect corporel, le lien à la santé et au bien-être. Bouger est une question de santé publique. Notre responsabilité est d’alerter, de sensibiliser à cette problématique. Nos actions ont pour objectif de ramener le jeune à une activité physique, sans parler de sport ou de performance. La démarche touche beaucoup le premier degré où les activités sont collectives et permettent d’aborder le respect des règles, des autres, ainsi que la question de la citoyenneté. Derrière, c’est la fraternité qui se dessine.

À quelles autres dimensions l’éducation à la santé ouvre-t-elle ?

Notre responsabilité est d’ancrer la formation des enseignants dans l’éducation à la santé.

Nous sommes missionnés pour former aux gestes qui sauvent, nous développons aussi des formations pour prévenir les conduites à risques, violences, ou encore cyberharcèlement. Au regard de ces aspects très sombres, nous essayons d’évoluer également dans une dynamique plus positive et porteuse. Dès août et septembre prochains, des formations sur la bientraitance, qui n’est pas l’absence de maltraitance, mais le fait de considérer l’autre avec attention, comme une personne unique et aimable, seront dispensées dans quelques diocèses. Autre point, des formations sur la disponibilité corporelle sont également mises en place. Les enseignants des cycles 2 et 3 sont initiés pour permettre aux enfants de se rendre compte des signaux envoyés par leur corps sur leur état : fatigue, nervosité, etc. Il s’agit d’éveiller à une prise de conscience corporelle, à l’écoute de soi, on pourrait dire au fait d’être aligné pour reprendre des termes du développement personnel. C’est aussi un début d’intériorité qui ne dit pas son nom. Nous proposons cette démarche depuis une dizaine d’années, elle s’est particulièrement bien développée dans toutes les régions depuis deux ou trois ans. Les enseignants s’aperçoivent de l’importance de sortir du cérébral pour se reconnecter à son corps. L’enfant est ensuite plus disponible pour l’apprentissage, il est remis en capacité de concentration.

Qu’est-ce qui vous rend confiant dans l’ensemble de ces démarches ?

Un mouvement se dessine, des signes montrent une envie de lâcher les écrans, de se retrouver soi-même en lien avec les autres. J’observe comme un besoin de simplicité et de retour à l’essentiel. Les participants aux formations ont l’impression de redécouvrir une évidence, de se reconnecter à ce qui est fondamental. En ce sens, on touche presque au  spirituel, du moins la qualité des échanges est manifeste. Les éducateurs en ont besoin, les élèves aussi ! Au-delà de mon enthousiasme, sur le terrain les retours sont très beaux. Laudato Si’ encourage à plus de respect de la personne humaine dans son intégralité et dans sa singularité, et évidemment au respect du bien commun. Voilà des enjeux fondamentaux à relever. Avec le projet “Ma maison, la tienne aussi”, l’Ugsel trace une vision pour l’ensemble de la fédération. Un autre enjeu est de la partager avec les régions, les diocèses, les associations sportives. L’idée est d’œuvrer collectivement, avec l’ensemble des responsables autour du terrain, dans ce va-et-vient entre la vision globale et l’appropriation de chacun. Je vois des personnes investies, qui croient au projet, et cela me rend optimiste. Je vois beaucoup de simplicité, de joie et de fraternité.

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