Retour
Mag #3
3 – Troisième numéro
Enraciner

De terre et de béton : paraboles de Jésus relatives à la culture de la terre

Publié le 21 octobre 2020

Bannière article "De terre et de béton"

Dans de nombreux passages de l’Évangile, les évangélistes nous rapportent les paraboles de Jésus relatives à la culture de la terre. Notre Seigneur est le semeur, le moissonneur, le berger ou le maître. C’est sa manière de répondre à notre demande que nous faisons nôtre à la suite de celle des apôtres : « Augmente en nous la foi ! » (Lc 16, 5). Les images agricoles parlent au peuple qui l’écoute, et bien qu’aujourd’hui elles puissent moins nous marquer, elles ne pourraient en aucun cas être remplacées par des images bétonnées. La culture et plus particulièrement la graine la graine sont est un archétype de la vie qui perce, grandit puis meurt.

« Voici que le semeur est sorti pour semer. » (Mt 13, 3)

Prenons un temps pour méditer cette phrase de l’Évangile. Le semeur sait quand il doit sortir pour que les graines puissent prendre racine. Il a conscience que sortir en hiver ou au milieu d’une sécheresse (ou d’un désert) ne portera pas de fruit à la hauteur du travail effectué. Cultiver c’est un métier – certes – et c’est se laisser façonner par le rythme de la terre. « le semeur sorti pour semer » pour que les graines donnent « du fruit à raison de cent, ou soixante ou trente pour un. » (Mt 13, 8)

Autant dire que Jésus lui-même ne sort pas pour rien, toutes ses actions, tout ce qu’il fait est dirigé vers le Royaume de Dieu.

« Comme il semait, des grains sont tombés au bord du chemin, […] sur le sol pierreux, […] dans les ronces ; […] dans la bonne terre » (Mt 13, 4-8).

Notre façon d’appréhender la terre, sa vie, son cycle, ses caractéristiques doit se détacher de notre vision du béton ! Le semi que le Seigneur effectue dans cette parabole porte des graines en des lieux où rien ne laisse supposer que la foi puisse se développer. Cependant il y sème la même graine que dans les autres sols.

Notre vision bétonnée peut porter à croire que la terre n’est qu’un élément que je sais maîtriser parfaitement. Or toute personne qui cultive, tout agriculteur ou éleveur qui la connaît sait qu’il ne pourra jamais la maîtriser. Contrairement au béton, même si j’en connais la composition, la terre échappe à mon intelligence car elle est ce que le béton ne sera jamais : porteuse de vie. Ainsi la parabole nous le dit, quelle que soit la terre, la graine pousse malgré le fait qu’elle puisse être étouffée par la suite. La terre donne la vie et non la stérilité.

« La bonne terre » (Mt 13, 8.23)

La bonne terre est la plus facile à cultiver. Mais c’est une terre déjà travaillée par le temps, par le Seigneur et, si Jésus ici aborde directement l’état de mon âme, l’image est à garder aussi pour la terre donnée et grâce à laquelle je me nourris ou je suis nourri. Terre donnée et terre travaillée, le cultivateur en a retiré les pierres (Is 5, 2) et il la protège pour éviter que « le sanglier des forêts la ravage et les bêtes des champs la broutent. » (Ps 79, 14)

La bonne terre est don de Dieu, elle porte du fruit et lui permet d’en vivre et de faire vivre d’autres familles. L’agriculteur tout comme le jardinier est invité à entrer dans une certaine relation avec la terre. Il la connaît mais reste étonné par elle, il la comprend et pourtant en apprend tous les jours. Cette « bonne terre » peut revêtir de nombreuses compositions différentes, c’est alors le soin qu’il y met qui fait d’elle une terre qui pourra porter du fruit.

Cette parabole est aussi un rappel : Jésus nous invite à rendre grâce, à louer Dieu pour ce don de la terre que je cultive et qui me nourrit.

« Porte du fruit » (Mt 13, 23)

Porter du fruit permet à une nouvelle vie de poindre. L’abandon d’une vision de la terre comme élément déjà maîtrisé – comme le sont le béton et la construction où tout est calculé – me pousse, comme chrétien, à vivre non pas dans un rêve mais dans la réalité. Ce réel cultive en moi le passage du béton à la terre, du stérile au vivant, de la maîtrise à la relation. Le fruit alors renouvelé vivra attaché au Christ comme le sarment à la vigne (Jn 15, 5).

Abbé Augustin Chartier
Diocèse de Beauvais

Partager
l'article