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Mag #5
5 – Cinquième numéro
Enraciner

Ecologie intégrale et vocation œcuménique

Publié le 10 février 2021

« Tout est lié. » Le pape François le souligne dans son encyclique « Laudato sì » et le répète à plusieurs reprises. Par là il nous rejoint bien, la communauté de sœurs de Grandchamp, issue de retraites spirituelles au début des années trente du dernier siècle.

Dès le début, la vocation de prière et de réconciliation a été au cœur de la vie des sœurs, et les trois valeurs d’Évangile que sont la pauvreté, l’écoute et l’unité en forment la base. Plus tard nous avons formulé que notre vie repose sur trois piliers: la prière – la vie commune – l’accueil et l’ouverture au monde. L’appel à vivre « la parabole de communion » résume ce que nous cherchons à vivre. J’aimerais l’illustrer avec un exemple actuel.

En 2018 le Conseil œcuménique des Églises et le Conseil Pontifical pour l’Unité des chrétiens à Rome nous ont invitées à préparer les méditations et les prières pour la semaine de prière pour l’unité en 2021 que nous venons de vivre. C’est alors qu’un processus communautaire s’est mis en route : à l’écoute de l’Esprit Saint nous nous sommes posé la question quels étaient les éléments dont nous trouvions important qu’ils figurent dans notre proposition. Un grand nombre de thèmes sont sortis, et il était impossible de les intégrer dans une proposition unifiée. Nous avons compris que nous devions partir d’un texte. En nous écoutant mutuellement nous nous sommes orientées vers Jean 15, 1-17 où chaque sœur s’est retrouvée. Nous avons discuté quelle pouvait être une suite pour les 8 jours : un chemin de prière qui va de la personne à la communauté (locale, paroissiale…) et à la recherche de l’unité entre les Églises pour s’ouvrir à la réconciliation avec tout le créé. Nous avons évoqué des textes bibliques pour chacune des journées. Un petit groupe de sœurs s’est mis en route pour écrire les méditations et les prières. Toutes les sœurs ont pu voir ces textes, et qui voulait, pouvait y réagir. Ainsi le déroulement de la semaine que des membres du COE et du CPPUC sont venus vérifier, préciser et confirmer en automne 2019, est le fruit d’une démarche communautaire.

« Vivre la parabole de communion », comment est-ce que nous cherchons à l’incarner dans notre quotidien ? Comment est-ce que nous vivons les quatre relations dont parle le pape François dans « Laudato sì », la relation à soi, à Dieu, à l’autre, à la nature ?

Tout part de la prière, personnelle et communautaire : être là, en silence, devant Dieu, accueillir ce qui est là et nous tourner toujours à nouveau vers Dieu, demander la grâce de l’écoute et du discernement dans l’Esprit Saint. La relation à l’autre nous la vivons dans le travail, dans les rencontres en petits ou en grands groupes. Comme notre prieure, sr Anne-Emmanuelle l’a dit à plusieurs reprises : l’accueil de l’autre différent est le grand défi. Dans la vocation œcuménique de la communauté ce ne sont pas d’abord les différences entre les Églises dont nous venons qui font problème, mais la manière dont une sœur fait la cuisine, dont une autre aborde un problème, gère un conflit… Il est alors essentiel d’apprendre à nous écouter, à relativiser son propre point de vue. Lors de rencontres de toute la communauté que nous avons une fois par année en été, ou au niveau local entre sœurs qui ont fait profession – nous essayons de nous écouter et de cheminer pour que les différences puissent être entendues, accueillies, et qu’à l’écoute de l’Esprit Saint nous trouvions une décision qui tienne compte de nos différences.

Ce que nous vivons entre nous rejaillit sur les personnes que nous accueillons : les hôtes qui viennent pour plusieurs jours, les volontaires qui passent quelques semaines ou quelques mois avec nous tout en nous aidant dans le travail, les bénévoles qui viennent au rythme qui leur convient et qui ont chacun-e leur tâche spécifique. Nous nous savons enrichies par elles, par eux ; ce que chacun-e apporte est précieux.

 

Nous avons la chance d’avoir un assez grand jardin. Depuis bientôt quarante ans nous le cultivons de manière biologique. Malheureusement, à cause de la diminution des forces vives dans la communauté nous avons dû réduire le potager. Nous espérons que ce soit passager ! Par contre, au début de l’année passée nous avons reçu un arbre avec une histoire extraordinaire : il est le fruit d’une semence qui a survécu au bombardement de Hiroshima. Il est un des « arbres de paix » qui se trouvent à différents endroits de notre planète. Nous l‘avons planté dans notre jardin samedi après Pâques, alors que nous étions confinées et ne pouvions accueillir des hôtes. Il est pour nous un symbole très fort de la force de résistance que nous puisons dans la mort et la résurrection du Christ, d’autant plus que c’est une amie des Pays-Bas qui a survécu à un camp de concentration des Japonais en Indonésie qui nous a offert cet arbre !

 

« Tout est lié » – dans ces semaines où la pandémie frappe à nouveau et limite beaucoup nos possibilités de contacts (depuis trois semaines la communauté est en quarantaine) il nous est très important d’en être conscientes. Nous cherchons à être à l’écoute de l’Esprit Saint pour entendre, savoir comment le mieux résister à la tentation du repli sur soi, de l’exclusion, de la maîtrise de situations que nous ne connaissons pas encore et pour choisir un chemin qui soit bon pour tout ce qui vit !

 

Voir le site internet du monastère de Grandchamp

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