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Mag #2
2 – Deuxième numéro
Comprendre

Dieu, le prochain, la terre : la triple alliance

Publié le 2 octobre 2020

Mgr Guy de Kerimel est évêque du diocèse de Grenoble-Vienne. Il a prononcé un enseignement lors du pèlerinage diocésain à Notre-Dame de la Salette, à propos de Laudato Si.

Dieu, le prochain, la terre : ce sont les trois dimensions indissociables de la conversion que nous avons à vivre, en cette année Laudato sì voulue par le pape François. La conversion écologique dont parle le pape dans l’encyclique Laudato sì est d’abord une conversion du cœur, une guérison de la relation de l’être humain à Dieu, à son prochain, à l’environnement. « La violence qu’il y a dans le cœur humain blessé par le péché se manifeste aussi à travers les symptômes de maladie que nous observons dans le sol, dans l’eau, dans l’air et dans les êtres vivants » (Laudato sì, 2), écrit le pape. C’est donc ce cœur qu’il convient de guérir : « C’est en guérissant le cœur de l’homme que l’on peut guérir le monde de ses désordres tant sociaux qu’environnementaux », dit François dans son message du 1er septembre dernier, à l’occasion de la journée mondiale de prière pour la sauvegarde de la Création. « Tout est lié », comme aime répéter le pape dans l’encyclique.

Le message de la Belle Dame à La Salette fait le lien entre la perte du sens de Dieu qui se manifeste dans le non-respect du dimanche et les jurons, et les récoltes qui se gâtent. Elle annonce une famine tout en disant que la conversion fera que les pierres et les rochers deviendront des monceaux de blés et que les pommes de terre seront ensemencées par les terres. Le message de Marie montre le lien entre la relation de l’être humain à Dieu et sa relation avec la terre. Et ce lien est inscrit dans la révélation, dès le premier livre de la Bible.

1. La triple alliance

Le premier récit de la Création, dans le livre de la Genèse, montre que Dieu a créé l’homme à la fin, le sixième jour, comme un aboutissement de son œuvre créatrice, comme un achèvement de sa création visible. Dans le deuxième récit, il confie à l’homme le jardin d’Eden et tous les animaux. Tiré de la glaise du sol, l’être humain est complètement solidaire de la terre ; créé à l’image de Dieu, il ouvre la Création à un au-delà d’elle-même. Il est celui qui, par son intelligence, donne sens à la création visible, et l’ordonne à sa finalité. Dieu a établi l’être humain au sommet de la Création, maître de tout le créé. Il le conduit dans le jardin d’Eden « pour qu’il le travaille et le garde » (Gn 2, 15). Dieu confie donc sa création à l’être humain pour la mettre en valeur et la garder. Travailler et garder la terre est pour l’homme tiré de la terre une manière de travailler à sa propre croissance et de se garder soi-même.

Ainsi la Création ne peut tendre à son accomplissement sans l’homme, sans que l’être humain n’exerce sa mission envers la terre. La création visible compte sur l’être humain. Ce qui fait dire à saint Paul que la Création, déchue à cause du péché de l’homme, « attend avec impatience la révélation des fils de Dieu » (Rm 8, 19).Elle attend que l’être humain soit libéré du péché et devienne fils adoptifs de Dieu pour « être, elle aussi, libérée de l’esclavage de la dégradation » (Rm. 8, 21) et tendre, par l’homme, à son accomplissement. Donc la Création dépend, pour son bien et son avenir, de l’homme. Mais d’une certaine manière, l’être humain lui-même ne peut pas tendre à son accomplissement sans mettre en valeur la terre dont il est tiré. La terre et l’homme sont liés et solidaires par leur origine et pour leur avenir.

Créé libre, à l’image de Dieu, l’être humain apprend à exercer cette liberté qui est une vraie responsabilité. La liberté de l’homme n’est pas absolue. Elle est la liberté d’une créature qui doit son existence et tout son être à un Autre que lui-même. L’être humain ne peut tendre à son accomplissement que selon sa propre nature : il est un être créé par amour et établi dans une alliance avec son Créateur.

La limite de la liberté humaine est symbolisée, dans le livre de la Genèse, par l’arbre de la connaissance du bien et du mal. L’homme se voit interdire d’en manger les fruits. Il ne peut pas consommer le fruit de l’arbre de la connaissance du bien et du mal. Cet interdit marque la limite de la nature humaine. Il a pour but d’aider l’homme à devenir libre et responsable, dans une relation de confiance avec son Créateur. La liberté de l’homme s’inscrit dans la relation à Dieu, dans la relation à l’autre. L’autre est un obstacle à la volonté perverse de toute-puissance, mais il n’est pas un obstacle à la vraie liberté individuelle. Au contraire, il est, en quelque sorte, son objectif. La vraie liberté se déploie et s’ajuste dans le don de soi, dans la relation à l’autre. Les interdits permettent à l’homme d’apprendre à canaliser ses désirs infinis en les orientant vers l’amour de Dieu et du prochain. Si ses désirs sont détournés de leur véritable objectif et centrés sur lui-même, l’être humain tombe dans la logique infernale de la toute-puissance. Il se détruit lui-même en abîmant sa relation à Dieu, à l’autre, à la terre. Les psychologues nous disent que les interdits sont nécessaires à l’éducation des enfants, pour qu’ils deviennent des adultes responsables.

L’interdiction de manger du fruit de l’arbre de la connaissance du bien et du mal permet à l’être humain de ne pas soumettre tout ce qui existe à la satisfaction de ses désirs. L’homme n’a pas la maîtrise de tout. Il ne peut pas s’approprier la connaissance du bien et du mal, il ne peut pas se situer au-dessus du bien et du mal, et décider par lui-même ce qui est bien et ce qui est mal. Dieu Seul, qui est le Bien absolu, connaît parfaitement ce qui est bien et ne peut être atteint par ce qui est mal. En ce qui concerne le bien et le mal, l’être humain reçoit de Dieu la lumière, dans une relation de confiance.

On peut donc parler d’une alliance originelle entre Dieu et l’homme. Dieu fait confiance à l’homme. Celui-ci, ayant reçu de Dieu absolument tout ce qu’il est et ce qui lui est nécessaire pour vivre, fait confiance à son Créateur. Tout est bon, tout est très bon dans l’œuvre créatrice de Dieu, y compris dans les limites des créatures. De même que la Création ne peut tendre à sa plénitude sans l’être humain, de même l’être humain ne peut s’accomplir sans la relation d’alliance avec Dieu. Il ne devient vraiment lui-même, et libre, que dans cette relation confiante.

Créé à l’image de Dieu, l’être humain est créé homme et femme, et ne devient lui-même que dans la communion des personnes. Il est un être de relation. La relation de l’être humain avec son semblable est une relation d’alliance et de communion qui se réalise dans le mariage ou dans la fraternité. L’homme et la femme sont appelés à faire une seule chair dans le mariage pour leur joie et dans le but aussi de la procréation (« soyez féconds et multipliez-vous », Gn 1, 28). Créé à l’image de Dieu, la caractéristique principale de l’être humain est la logique du don : les relations entre l’homme et la femme sont des relations d’accueil et de don, des relations d’alliance. L’homme reçoit de Dieu sa femme, la femme reçoit de Dieu l’homme comme son mari, et ils sont appelés à se donner l’un à l’autre et à construire une famille solidaire et harmonieuse, dans laquelle chaque membre apprend à œuvrer au bien commun en mettant au service des autres les dons reçus. Le couple et la famille sont la cellule de base de la société humaine. Celle-ci ne peut se développer harmonieusement que dans des relations de don de soi mutuel, dans une dynamique d’alliance, de partage, de confiance mutuelle. L’être humain ne peut pas vivre sans être aimé et sans aimer. Il se reçoit de Dieu et de ses parents et de la société humaine. Il est lui-même un don pour la société et il est appelé à se donner. Il ne peut pas vivre dans l’isolement, dans le mépris de ses semblables, dans l’accaparement égoïste des biens destinés à tous. Toute société humaine est appelée à devenir une vraie fraternité, au sein de laquelle les libertés individuelles se déploient dans des relations responsables avec les autres.

Le monde ne trouve son sens que dans cette triple alliance : entre Dieu et l’être humain, entre l’homme et la femme (et entre frères), entre l’être humain et la terre. Remettre en cause un aspect de cette triple alliance, c’est entrer dans une logique de destruction et de non-sens. « Si la crise écologique est l’éclosion ou une manifestation extérieure de la crise éthique, culturelle et spirituelle de la modernité, nous ne pouvons pas prétendre soigner notre relation à la nature et à l’environnement sans assainir toutes les relations fondamentales de l’être humain… On ne peut pas envisager une relation à l’environnement isolée de la relation avec les autres personnes et avec Dieu » (Laudato sì, 119).

Le dimanche, comme jour consacré à Dieu, jour de repos, jour pour vivre un temps de prière communautaire et un temps familial, jour de gratuité, est un jour privilégié pour célébrer et entretenir la triple alliance. « Le dimanche, comme le sabbat juif, est offert comme jour de la purification de la relation de l’être humain avec Dieu, avec lui-même, avec les autres, avec le monde… La loi du repos hebdomadaire imposait de chômer le septième jour « afin que se reposent ton bœuf et ton âne et que reprennent souffle le fils de ta servante ainsi que l’étranger » (Ex 23, 12). En effet, le repos est un élargissement du regard qui permet de reconnaître à nouveau les droits des autres. Ainsi, le jour du repos, dont l’Eucharistie est le centre, répand sa lumière sur la semaine tout entière et il nous pousse à intérioriser la protection de la nature et des pauvres. » (Laudato sì, 237). Il est intéressant de noter que Notre Dame de La Salette évoque le mépris du dimanche et les jurons comme cause de la dégradation des récoltes.

2. Les ruptures

Le chapitre 3 du livre de la Genèse nous raconte la tentation subie par nos premiers parents et la chute, avec ses conséquences. Trompés par le serpent, Adam et Eve mangent du fruit interdit et ouvrent les yeux sur leur radicale nudité. Ils se cachent de Dieu, car ils ont peur. On est passé de la relation confiante à la défiance et la peur. Devant Dieu, l’homme se défend en disant : « la femme que tu m’as donnée, c’est elle qui m’a donné du fruit de l’arbre, et j’en ai mangé » (Gn 3, 12). La rupture de l’alliance avec Dieu entraîne des relations plus complexes entre l’homme et la femme. L’homme tend à détourner la culpabilité vers la femme mais aussi l’un et l’autre vont être tentés par des rapports de possessivité ou de domination : « Ton désir te portera vers ton mari, et celui-ci dominera sur toi » (Gn 3, 16). La femme enfantera dans les douleurs, attestant d’un rapport blessé de l’être humain avec son propre corps. Enfin Dieu dit à l’homme : « maudit soit le sol à cause de toi ! C’est dans la peine que tu en tireras ta nourriture, tous les jours de ta vie… » (Gn 3, 17). Dieu met l’homme devant les conséquences de son péché et la suite du récit de la Genèse montre comment la logique du mal s’installe sur la terre.

Au chapitre 4 de la Genèse nous est décrite la relation de jalousie et de haine entre les deux premiers fils d’Adam et Eve, Caïn et Abel. Caïn tue son frère Abel, n’écoutant pas la mise en garde que Dieu Lui avait signifiée par miséricorde. Après le meurtre, Dieu dit à Caïn : « qu’as-tu donc fait ? La voix du sang de ton frère crie de la terre vers moi ! Maintenant donc, sois maudit et chassé loin de cette terre qui a ouvert la bouche pour boire le sang de ton frère, versé par ta main. Tu auras beau cultiver la terre, elle ne produira plus rien pour toi… » (Gn 4, 10-11).

Le pape François évoque cette rupture fraternelle et ses conséquences, dans son encyclique : « Dans le récit concernant Caïn et Abel, nous voyons que la jalousie a conduit Caïn à commettre l’injustice extrême contre son frère. Ce qui a provoqué à son tour une rupture de la relation entre Caïn et Dieu, et entre Caïn et la terre dont il a été exilé. Ce passage est résumé dans la conversation dramatique entre Dieu et Caïn. Dieu demande : « Où est ton frère Abel ? ». Caïn répond qu’il ne sait pas et Dieu insiste : « Qu’as-tu fait ? Écoute le sang de ton frère crier vers moi du sol ! Maintenant, sois maudit et chassé du sol fertile » (Gn 4, 9-11). La négligence dans la charge de cultiver et de garder une relation adéquate avec le voisin, envers lequel j’ai le devoir d’attention et de protection, détruit ma relation intérieure avec moi-même, avec les autres, avec Dieu et avec la terre. Quand toutes ces relations sont négligées, quand la justice n’habite plus la terre, la Bible nous dit que toute la vie est en danger. C’est ce que nous enseigne le récit sur Noé, quand Dieu menace d’exterminer l’humanité en raison de son incapacité constante à vivre à la hauteur des exigences de justice et de paix : « La fin de toute chair est arrivée, je l’ai décidé, car la terre est pleine de violence à cause des hommes » (Gn 6, 13). Dans ces récits si anciens, emprunts de profond symbolisme, une conviction actuelle était déjà présente : tout est lié, et la protection authentique de notre propre vie comme de nos relations avec la nature est inséparable de la fraternité, de la justice ainsi que de la fidélité aux autres » (Laudato sì, 70).

Tout est lié ; le péché de l’homme, notre péché, blesse notre relation à Dieu, à nous-mêmes, aux autres, à la terre. Le péché est un engrenage destructeur qui nous a fait quitter un monde harmonieux pour habiter un monde hostile, divisé, marqué par les guerres, les famines, les épidémies, par les fléaux décrits dans l’Apocalypse qui sévissent depuis longtemps. La cause des dégradations de notre planète, les causes des souffrances de la terre et des pauvres sont à chercher dans le cœur divisé de l’être humain.

Le message de La Salette n’est pas plus austère que les mises en garde des scientifiques, sur le plan écologique ou épidémiologique. Elle annonce des récoltes gâtées, une famine, la mort des jeunes enfants, parce que les gens se sont éloignés de Dieu. Pourquoi ne prend-on pas au sérieux ce que Dieu ne cesse de nous dire, dans les Écritures, par l’Église, ou par les apparitions de la Vierge Marie qui ne cesse de renvoyer à l’Évangile ?

Nous rêvons tous d’un monde meilleur, mais nous ne sommes pas prêts à abandonner nos comportements égoïstes, notre rapport très possessif et utilitariste aux biens de ce monde. Il est intéressant de noter que, dans une culture utilitariste, les politiques et les autorités publiques ne parlent jamais de bien commun, mais d’intérêt général. De fait, nous voyons que les politiques menées cherchent un équilibre entre les divers intérêts particuliers dont certains sont poussés par de puissants lobbies, mais ne savent plus concevoir le bien commun. Or une politique d’intérêt général tombe infailliblement dans un consensus qui penche du côté où les pressions sont les plus fortes, donc dans une logique de la loi du plus fort. L’intérêt général est soumis aux évolutions et aux manipulations de l’opinion publique. Il est tributaire du relativisme tandis que le bien commun se situe au-dessus et au-delà des intérêts particuliers tout en établissant les conditions du bien de tous et du bien de chacun.

Les diverses crises que nous traversons prennent leur origine dans une crise morale. L’être humain, grâce au progrès technique, qui est un bien en soi, tombe de plus en plus dans une attitude de domination. L’accroissement du pouvoir lié au progrès de la science et de la technique devrait être associé à l’accroissement du niveau de conscience morale, ce qui n’est pas le cas, laissant l’homme dominé par la tentation de la toute-puissance. Le progrès, bon en soi, a ouvert la voie à la tentation de se prendre pour Dieu. Le pape François dénonce le paradigme technocratique selon lequel l’être humain prétend dominer tous les problèmes. Au contraire ce paradigme, érigé en principe indiscutable, conduit notre monde au bord de la rupture.

Un regard sur notre monde montre les conséquences dramatiques du non-respect de la triple alliance : l’évacuation de Dieu dans l’espace public se conjugue avec une atteinte de plus en plus grande à la dignité de la personne humaine et une exploitation destructrice de la planète : les lois de bioéthique toujours plus transgressives, le marché lucratif de l’humain (les divers trafics d’êtres humains, la GPA qui permet d’acheter et de vendre des bébés…), les violences, qui se multiplient, liées à une logique égoïste de consommation, et de domination, y compris dans le domaine conjugal et sexuel…, les tensions internationales dues à des égoïsmes d’État. En ce qui concerne la planète, la même logique contribue à voir en tout ce qui existe un matériau exploitable, utilisable, soumis de manière absolue à la domination de l’homme technocratique.

3. Revenir à la triple alliance

Notre monde commence à prendre conscience du danger qui guette tout ce qui vit, mais le danger est trop souvent encore relativisé, parce qu’il est difficile de renoncer à la tentation du pouvoir, de la richesse et de l’orgueil. Le pape François disait sa prise de conscience que notre monde était au bord du précipice. Il est donc urgent de revenir à la triple alliance, de guérir les cœurs en soignant la relation à Dieu, à soi-même, aux autres, à notre environnement. Cela passe par des purifications.

Dans son message transmis aux enfants pour qu’ils le fassent passer, la Vierge de La Salette propose comme moyens d’améliorer la situation : la prière quotidienne, matin et soir, la messe le dimanche avec le respect du repos dominical et l’observance du Carême. Rétablir une vraie relation avec Dieu entraîne un changement de comportement vis-à-vis des autres et de la nature, le rétablissement de relations ajustées et la redécouverte de la joie de recevoir et de se donner. Respecter le dimanche, comme jour du Seigneur, jour de repos de la nature, des animaux, de l’être humain, délivre de la tentation d’exploitation de la terre mais aussi du prochain, de la tentation de me servir de la terre et de mon prochain pour assouvir ma soif de richesse, de pouvoir, de domination orgueilleuse. Dieu est toujours généreux dans ses dons, l’être humain et la nature elle-même ne demandent qu’à être généreux s’ils sont respectés dans leur dignité. Les relations de l’homme avec Dieu, le prochain, la terre, ne peuvent être que des relations de confiance, de respect, de justice. Alors le désert pourra se changer en terre fertile.

« C’est lui qui change les fleuves en désert, les sources d’eau en pays de la soif,
En salines une terre généreuse quand ses habitants se pervertissent.
C’est lui qui change le désert en étang, les terres arides en source d’eau ;
Là, il établit les affamés pour y fonder une ville où s’établir. Ils ensemencent des champs et plantent des vignes : ils en récoltent les fruits.
Dieu les bénit et leur nombre s’accroît, il ne laisse pas diminuer leur bétail
 » (Psaume 106, 34-38)

Toute la Bible nous invite à l’espérance en évoquant une rédemption, une victoire sur le mal, sans occulter les conséquences désastreuses du péché. C’est ainsi que le verset 15 du chapitre 3 de la Genèse a été lu comme une annonce de la femme sur laquelle le démon n’a jamais eu de prise, la Vierge Marie, et de sa descendance, le Christ vainqueur du serpent : « Je mettrai une hostilité entre toi et la femme, entre ta descendance et sa descendance : celle-ci te meurtrira la tête, et toi, tu lui meurtriras le talon ». Le Fils de Dieu, en se faisant homme, né de la femme, assumera pleinement l’humanité déchue et la restaurera, – et avec elle toute la Création -, dans la triple alliance. Ce verset est appelé le proto évangile, le premier évangile.

Dès la chute, il est clair que Dieu n’abandonne pas l’être humain aux conséquences de son péché, Il ne l’abandonne pas à sa nudité radicale, au verset 21, Il est dit qu’il lui fait des tuniques de peaux. Plus tard, au moment du Déluge, Dieu demande à un juste, Noé, de construire l’arche par laquelle Il va préserver de la destruction générale un petit reste. Malgré la mort de tout ce qui existe sur terre provoquée par le déluge, Dieu préserve un avenir. La condition de l’avenir de l’humanité, au moment du déluge, est l’écoute de Dieu, l’obéissance à sa Parole, la foi, sans laquelle tout aurait été détruit. Noé a fait confiance à Dieu et a suivi ses instructions. Il est une lointaine figure du Christ obéissant à son Père jusqu’à la mort.

Conclusion

Le pape François, dans son encyclique Laudato sì, nous donne une vision lumineuse de l’être humain. Celui-ci n’est pleinement lui-même que dans sa relation à Dieu, à ses frères humains, à son environnement. Une juste vision anthropologique doit intégrer ces relations sans lesquelles l’être humain ne peut pas vivre ni tendre vers son accomplissement. La misère humaine et l’état dégradé de notre planète viennent de ces ruptures d’alliance, d’abord avec Dieu, mais aussi avec le frère. La Vierge Marie à La Salette est l’ambassadrice de Dieu, de sa miséricorde, manifestée dans le Christ. Avec le regard de son Fils, elle voit l’état du monde en ce milieu du XIXe siècle, et elle appelle à la conversion nécessaire pour que la terre retrouve sa fécondité et que les hommes aient de quoi nourrir leurs enfants. Retenons ce lien indissociable, cette triple alliance qui est une clef de compréhension de ce qui se passe et une lumière pour les engagements que nous avons à prendre.

† Guy de Kerimel, évêque de Grenoble-Vienne

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