Mag #2 2 – Deuxième numéro Enraciner
Renouveler notre foi en Dieu Créateur
M. Tebaldo Vinciguerra, membre du Dicastère pour le Service du Développement Humain Intégral, chargé des questions d’écologie, nous propose de réfléchir sur le message du Saint-Père pour la Journée mondiale de prière pour la sauvegarde de la Création 2020 autour de cinq actions : se souvenir, revenir, se reposer, réparer, se réjouir.
Depuis 50 ans les papes poursuivent une réflexion sur l’écologie.
Paul VI, le 16 novembre 1970, au cours de son discours à la FAO, invite la communauté internationale à se mobiliser pour éviter une catastrophe écologique. Deux ans après, il envoie une délégation à la première grande conférence de l’ONU sur l’environnement, à Stockholm.
Jean-Paul II, le 29 novembre 1979, nomme St François d’Assise patron de ceux qui prennent soin de l’écologie. Son message pour la journée mondiale de la paix de 1990 est considéré la première contribution d’un pape consacrée entièrement à l’écologie. Avec Bartholomée 1er il lance en juin 2002 la Déclaration de Venise qui encourage une conscience écologique afin de rétablir une harmonie avec, et de, la création.
Benoît XVI, en 2009, souligne dans l’encyclique Caritas in veritate le lien entre écologie humaine, environnementale et développement intégral.
En 2015, François publie la désormais célèbre Laudato si’ sur le soin de la maison commune.
Nous venons de fêter les 5 ans de cette dernière encyclique, et le Saint-Père signe un message à l’occasion de la journée mondiale de prière pour la sauvegarde de la création, le 1er septembre. Cette date introduit également dans le temps (ou la saison) de la Création, un temps célébré depuis des années par de nombreuses dénominations chrétiennes du monde entier et qui se conclue le 4 octobre, fête de St François d’Assise.
Ce temps est une occasion particulière pour renouveler notre foi en Dieu Créateur et nous unir dans la prière et l’action pour la sauvegarde de la maison commune. Sous le souffle de l’Esprit Saint nous sommes appelés à purifier nos relations avec Dieu, avec nous-mêmes, avec les autres et avec le monde. Ledit message s’articule autour du thème du jubilé pour la terre que nous sommes invités à vivre de cinq façons : se souvenir, revenir, se reposer, réparer, se réjouir.
L’institution biblique du jubilé se situe lors de l’entrée d’Israël en terre de Canaan après une errance de 40 ans au désert où le peuple a été conduit par Dieu qui l’y a purifié par maintes épreuves et nourri. En vue de l’occupation de la terre promise, Dieu instruit les Israelites sur leur façon de se comporter. Comment en particulier – parmi de nombreuses questions – vivre un rapport sain à la nourriture ? Celle-ci ne descend plus du ciel, mais sort du sol suite à un travail[1]. En conséquence, la loi précise non seulement le rapport à la nourriture, mais aussi l’usage de la terre dont celle-ci provient ou encore le respect des animaux[2]. Par ailleurs, Dieu reste propriétaire de la terre : « la terre ne sera pas vendue avec perte de tout droit, car la terre m’appartient, et vous n’êtes pour moi que des étrangers et des hôtes »[3], et c’est bien pour Lui que la terre « chômera un sabbat »[4]. La terre apparaît alors au cœur d’un réseau de relations complexes qui articulent la loi, la vie productive et sociale, la propriété privée, l’endettement et l’emprunt, et le don divin. Des mécanismes de solidarité sont institutionnalisés : « Tu ne glaneras pas ta moisson, tu ne grappilleras pas ta vigne et tu ne ramasseras pas les fruits tombés dans ton verger. Tu les abandonneras au pauvre et à l’étranger »[5]. Cette loi cherche « à assurer l’équilibre et l’équité dans les relations de l’être humain avec ses semblables et avec la terre où il vivait et travaillait »[6]. Le jubilé – qui revient tous les 50 ans – proclame et programme la libération de la terre et des habitants : les terres et les maisons qui ont été vendues pour différents motifs, doivent retourner au propriétaire originaire ; ceux qui sont devenus esclaves pour cause d’insolvabilité, doivent être libérés. Le jubilé freine ainsi l’appauvrissement des plus faibles et la concentration des richesses. Le repos de la terre chaque septième année et chaque cinquantième année permet d’éviter la surexploitation des ressources et de vivre une année différente. En effet, le jubilé est une année sainte qui met en avant la relation à Dieu, à savoir une relation filiale de confiance et de gratitude de la part d’une humanité sachant reconnaître et garder sa juste place, son juste rôle dans le projet divin : il s’agit de « la vocation originelle de la création à être et prospérer comme une communauté d’amour »[7].
Avec ce récent message, le pape nous invite à entreprendre les cinq actions précédemment énumérées : se souvenir, revenir, se reposer, réparer, se réjouir. Par exemple se souvenir de notre être intimement voué à la relation, et dresser l’état des lieux nos relations. Penser aussi aux relations avec les générations à naître, avec les plus éloignés ou avec notre famille, notre voisinage immédiat. Se reposer de façon contemplative, donc en résistant à la tendance à « réduire le repos contemplatif au domaine de l’improductif ou de l’inutile, en oubliant qu’ainsi il retire à l’œuvre qu’il réalise le plus important : son sens »[8]. Ainsi, se reposer pour prendre la mesure de notre propre finitude, de notre état de créatures limitées, pour nous ouvrir davantage à l’émerveillement, à l’action de grâce, à l’accueil de la Providence, et « prendre aussi quelques moments uniquement pour Dieu, dans la solitude avec lui »[9] afin de discerner les influences négatives dont il faut se libérer, comme l’on se libère d’un esclavage : idéologies de haine et antihumaines, addictions diverses. Revenir de nos égarements et de nos faiblesses et, comme ce fils qui rentra « en lui-même »[10], revenir vers notre vocation à l’amour, au développement intégral et à la sainteté, donc vers notre Père aimant et miséricordieux. Revenir vers les autres et vers la création toute entière dans une démarche de justice sociale et de responsabilité, et ainsi contribuer à réparer notre humanité souffrante, ses institutions, son économie et son commerce, ses lois, son agriculture ; à préserver la biodiversité, l’eau, les sols, enfin les caractéristiques et les équilibres qui font de cette planète un monde vivable et beau.
Se réjouir en Jésus ultime source de notre joie, « le seul Sauveur » comme le nomme l’Exsultet lors de la vigile pascale :
« Qu’éclate dans le ciel la joie des anges !
Qu’éclate de partout la joie du monde
Qu’éclate dans l’Eglise la joie des fils de Dieu
La lumière éclaire l’Eglise,
La lumière éclaire la terre, peuples, chantez ! (…)
Demain se lèvera l’aube nouvelle
D’un monde rajeuni dans la Pâque de ton Fils !
Et que règnent la Paix, la Justice et l’Amour (…) ».
Nourris et portés par la foi dans le Christ incarné et ressuscité, beaucoup de personnes se dépensent avec et pour nos frères et nos sœurs, pour faire de cette terre un monde meilleur : « le cri de la terre et des pauvres est devenu, ces dernières années, encore plus fort. En même temps, nous sommes témoins de la façon dont l’Esprit Saint inspire partout des individus et des communautés à s’unir pour reconstruire la maison commune et défendre les plus vulnérables »[11] et c’est là une source de joie. Chacun, dans une démarche de foi personnelle et communautaire, pourra certainement discerner en quoi ces cinq actions l’interpellent.
[1] Cela rappelle l’intention originelle de Dieu, à savoir une humanité qui collabore à la création divine : « aucune herbe des champs n’avait encore germé ; car Dieu n’avait pas fait pleuvoir sur la terre, et il n’y avait pas d’homme pour cultiver le sol » (Gn 2, 5).
[2] Voir Dt 5, 14 et Ex 23, 12.
[3] Lv 25, 23.
[4] Lv 25, 2.
[5] Lv 19, 9-10. Voir aussi Dt 24, 20-22.
[6] Laudato si’, 71.
[7] Message du 1er septembre 2020.
[8] Laudato si’, 237.
[9] Exhortation Gaudete et exsultate, 149.
[10] Lc 15, 17.
[11] Message du 1er septembre 2020. Voir aussi les exhortations Evangelii gaudium, 178-181 et Gaudete et exsultate, 57, 122-128, 138.